L’Ombre du savoir perdu - La trilogie de Licanius - James Islington

28/4/2022
Fantasy

Résumé

Les Augures, dotés de pouvoirs formidables et mystérieux, étaient autrefois vénérés. Mais avec le temps, les simples hommes, lassés de se soumettre à leur autorité tyrannique, se soulevèrent. Un nouveau régime remplaça l’ancien, un roi fut sacré et on mit en place les quatre Préceptes, un pacte liant toute personne capable d’utiliser l’Essence afin qu’elle ne puisse plus attaquer un humain. S’ensuivit une “chasse aux sorcières” sanglante. 

Vingt ans plus tard, les utilisateurs d’Essence vivent reclus dans les Tols, des écoles où ils sont formés. Nous retrouvons Davian, jeune orphelin élève au Tol Athian qui se prépare aux Épreuves à l’issue desquelles il deviendra un Talenté ou une Ombre, un paria. Incapable de manier l’Essence, Davian sait que son temps est compté. Peu avant les Épreuves, un Talenté lui révèle qu’il est un Augure et qu’il a une mission importante à remplir au Nord. Convaincu qu’il aurait tout à perdre en restant, Davian s’enfuit avec son ami Wirr, ne soupçonnant pas une seule seconde les machinations dont il fait l’objet.

L’univers

Ce premier tome de plus de 630 pages met avant tout en place le lore et les arcs narratifs des personnages que l’on suivra dans les deux tomes suivants. L’imaginaire de l’auteur est foisonnant mais aussi assez confus. Il a créé beaucoup de personnages, de clans et le système de magie n’a pas encore totalement été explicité. J’ai trouvé qu’il était parfois compliqué de suivre et de comprendre les tenants et aboutissants. En particulier lorsque tous les personnages mentent. J’ai presque frôlé l’indigestion à essayer de démêler le vrai du faux tout en ingurgitant l’amas d’informations dont l’auteur abreuve le lecteur, comme la prescience et le voyage dans le temps… Heureusement, malgré beaucoup de blabla, l’action est au rendez-vous et l’histoire avance à un rythme satisfaisant. L’évolution des personnages dès le premier tome est l’un des gros points forts de ce roman. 

Il s’agit de Fantasy médiévale classique. Aucun signe de modernité ; nos protagonistes voyagent à cheval et se battent à l’épée et à l’arc. 

Voici comment les instances de pouvoir sont réparties :

Le roi et son frère sont les auteurs des quatre Préceptes. Ils ont mené la révolte contre les Augures.

Les Administrateurs : ils sont l'équivalent des inquisiteurs de notre Histoire. Ils sont anti-Talentés et souhaiteraient la mort de tous les utilisateurs d’Essence dans le royaume. Ils ne veulent surtout pas que les Préceptes soient changés.

Les Talentés : ils utilisent l’Essence (issue de leur propre force vitale). Ils ont réussi les épreuves et deviennent à leur tour des membres respectés des Tols, des enseignants et enfin des “Anciens”. En dehors du Tol, ils sont discriminés et victimes d’attaques car le peuple sait qu’ils sont en incapacité de se défendre depuis le pacte. Ils espèrent changer les Préceptes.

Les Ombres : il s’agit d’anciens élèves du Tol qui ont échoué aux Épreuves.On ne sait pas vraiment en quoi elles consistent. Il n’est jamais explicité pourquoi cet échec. Ont-ils du mal à maîtriser leurs capacités ? Dommage. D’autres deviennent des Ombres car ils se sont enfuis du Tol et ont été punis. Lorsqu’un Talenté devient Ombre, il est incapable d’utiliser l’Essence et des lignes noires disgracieuses apparaissent sur tout son corps permettant de l’identifier aisément comme une Ombre. Celles-ci deviennent alors des parias. Personne ne les embauchera, ne les accueillera ou les nourrira. La société leur est soit hostile soit indifférente. Nombreux sont ceux qui meurent de faim ou assassinés. Il existe cependant un refuge dans des souterrains où seules les Ombres peuvent entrer. Un personnage mystérieux nommé le Shadraehin administre le lieu secret d’une poigne de fer. Celui-ci mène des attaques à l’encontre des humains qui les persécutent mais aussi des massacres immoraux. Le Shadreahin sert ses propres intérêts et n’est ni du côté des humains, ni de celui des Augures, ni de celui des Talentés. Pour l’instant.

Les Augures : à l’inverse des Talentés, ils ne sont pas obligés de puiser dans leur propre force vitale pour manier l’Essence. Ils peuvent puiser dans tout ce qui les entoure (végétation, animaux, humains, Talentés). Ils sont aussi dotés de pouvoirs qui leurs sont propres : lire les pensées, manipuler l’esprit, transformation (revêtir l’apparence d’une personne décédée), prédire l’avenir, déceler le mensonge, se rendre invisible, et j’en passe. On ne sait pas encore l’étendue de tous leurs pouvoirs, mais ils sont assez effrayants. Cependant, leur savoir a été perdu et les jeunes générations d’Augures ne savent pas bien manier leur pouvoirs ou ignorent qu’elles ont certaines capacités. On apprend également que les Augures ne disparaîtront jamais vraiment en raison d’un cycle immuable : si un Augure meurt, un nouveau naît.

Les Sig’naris : Il s’agit d’un groupe de Talentés qui souhaite remettre les Augures au pouvoir, ils sont à la recherche de nouveaux Augures pour les rassembler et les former.

Les Sha’teth : Il s’agit de créatures extrêmement puissantes. D’anciens hommes/femmes qui ont été transformés par un Augure ou un Talenté (je pencherais pour la seconde option). Ils devaient servir les Talentés mais ont été libérés et servent quelqu’un d’autre.

Nous suivons des personnages avant tout discriminés : Talentés, Ombres, Augures. Et si le contexte politique est tendu et la vie difficile pour nos personnages, il y a un plus gros enjeu encore qui concerne toute la population. Un Talenté millénaire et maléfique, nommé Aarkein Davaed attend patiemment son heure. Suite à une guerre légendaire avec les Augures, celui-ci se retrouva exilé dans les terres de Talan Gol, coupé du reste du continent par la barrière baptisée le Bord du monde. Malheureusement, après des centaines d’années, le Bord du monde s’affaiblit, les gens du Nord disent avoir vu des créatures… Très vite, cette rumeur se transforme en certitude lorsque se multiplient des témoignages rapportant la même description d’une “Armée aveugle” (soldats habillés d'armure noire avec un casque sans fentes pour les yeux) en marche pour envahir Illin Illan, la capitale. Si le Bord du monde tombe, tout sera perdu ! Quel rapport avec Licanius, le titre de la trilogie ? Vous découvrirez ce qu’est Licanius dans les dernières pages du tome 1.

Les personnages

Ils se répartissent en deux catégories : la vieille génération (celle qui a connu le règne des Augures et leur massacre) et la jeune génération (celle qui n’a rien connu de ces temps sombres mais qui souffre des conséquences de la révolution). La jeune génération se fait manipuler par la vieille qui voit en l’autre un moyen d’arriver à ses fins. Davian, bien que central à l’histoire, n’est pas le personnage principal. Il s’agit d’un roman choral et chaque personnage a son rôle à jouer dans une des instances de pouvoir que j’ai mentionnées plus haut. 

Les liens qui se tissent entre les différents personnages sont palpitants. Malgré la longueur du livre, chaque dialogue, chaque action entre personnages est utile et sert à avancer la narration. En tant que lectrice, les dialogues de remplissage ont tendance à me fatiguer et j’ai l’impression de perdre mon temps. 

On ne peut se fier à personne, ce qui ne nous empêche pas de nous attacher à plusieurs personnages bien que l’on ignore leurs intentions. Les personnages plus âgés sont bien écrits, caractérisés et crédibles. Les plus jeunes sont sans surprise presque des pages blanches avec des attributs vagues et une personnalité qui s’affirme au fil de l’eau. Tout cela est justifiable et j’aime ce mélange des générations, comment les anciens déteignent sur les plus jeunes, les influencent pour le meilleur ou pour le pire. 

Davian est un archétype. D’abord innocent et crédule, il se fait régulièrement manipuler à ses dépends. Ceci s’explique en partie parce qu’il a grandi à l'école pendant des années à l’abri du monde extérieur qui lui est hostile. Pourtant, lors d’une de ses rares sorties, un événement traumatisant va le plonger dans la réalité de sa condition de Talenté. Il ne faut pas trop en attendre de Davian dans un premier temps car il joue le jeu des autres tel un pion. Ce n'est que dans la dernière partie du tome qu'il agit de son propre chef.

J’ai aussi apprécié que tous les personnages soient gris ou sombres. Il n’existe pas de personnage qui incarne “la lumière”. Eh non pas même nos jeunes héros ! Les personnages sont très nombreux et parfois complètement anecdotiques ou interchangeables. Les antagonistes très puissants se multiplient à mesure de la lecture et ils ne sont jamais dans le camp de nos héros ! Ça promet pour la suite.

Mon seul reproche serait la sous-représentation féminine dans le roman. On compte seulement 3 personnages notables et un quatrième en tant qu’antagoniste. Une fois encore, il s’agit d’un univers de fantasy calqué sur notre société patriarcale, à croire qu’imaginer autre chose est impossible. Fort heureusement, les personnages féminins sont bien écrits et évitent pas mal de clichés à l’exception de la princesse… Eh oui, qui dit princesse dit beauté, romance et objet de fantasme ! Je vous jure, l’auteur rabâche qu’elle est belle chaque fois qu’elle apparaît. C’est fatiguant et ça la réduit à son apparence alors qu’elle a un pouvoir politique non négligeable. J’attends cependant de voir ce qu’il fera de ses personnages féminins dans la suite.

Enfin, le personnage de Caeden a été pour moi celui que j’ai préféré suivre car il a perdu la mémoire. On ne sait pas dans quel camp il est et ce jusqu’à la fin du premier tome !

La plume

L’écriture est malheureusement le point noir de ce livre. Cela a déjà été soulevé par plusieurs bloggers, Youtubers et instagrammers : le livre est bourré de fautes de français. Il y a même des fautes dans l’orthographe des noms des personnages. La traduction est de qualité moyenne. Elle est calquée sur la syntaxe anglaise, donc on a affaire à une traduction très littérale avec des formulations parfois peu naturelles. Je ne blâmerai en aucun cas la traductrice car le résultat final imprimé est la responsabilité de l’éditeur. Le livre est très long et donc une traduction bien faite prendrait des mois. Ce livre était très attendu et à mon avis il a été précipité pour sortir le plus tôt possible, certainement dans un but financier (ce qui est compréhensible). Le délai de traduction était sûrement trop court et la relecture a soit été bâclée soit elle n’a pas eu lieu. C’est dommage. Si vous êtes très à cheval là-dessus, il vous faudra soit lire la VO soit attendre une réédition/réimpression (l’espoir fait vivre). Dans l’état actuel, toutefois, je ne pense pas personnellement que cela empêche d’apprécier le livre.

Mon avis

Il est trop tôt pour dire si cette trilogie est un coup de cœur, mais j’attends avec impatience la suite. Ce tome 1 fait voyager, surprend et pose plein de questions dont je brûle de connaître les réponses ! Je suis investie dans le destin de plusieurs personnages que j’affectionne. C’est le signe d’un tome 1 réussi : poser l’univers, caractériser ses personnages et démarrer des arcs narratifs intéressants.

Ce premier roman n’est certes pas très original (Fantasy classique avec un jeune homme crédule qui ne connaît pas encore la dureté de la vie. Élu promis à un destin important dont dépend le reste du royaume. Quête d’objet et de personne. Machination politique. Apprentissage de capacités magiques. Amis fidèles et trahisons. Drame, mort, batailles. Ennemi millénaire qui se réveille. Bref tous les ingrédients typiques sont là !) mais il utilise les codes du genre brillamment. Et même si cela pourrait sembler être un poncif pour une lectrice assidue de Fantasy comme moi, eh bien ça marche quand même ! 

May

J'ai découvert la littérature de l'imaginaire enfant en lisant des mangas (Full Metal Alchemist, Claymore, Fruit Basket, Naruto, etc.) qui me permettaient de m’évader. Puis une camarade de classe m'a un jour prêté la trilogie du Dernier souffle de Fiona MacIntoch. Ça a été la révélation ! Depuis je suis avide de lectures de l'imaginaire et plus particulièrement de fantasy qui constitue l'essentiel de ma PAL.

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