Guerre et Paix éternelles - Joe Haldeman

14/5/2023
Science-fiction

Je me baladais dans les rues de ... d'une ville, pas important, avec May quand nous sommes arrivés par mégarde (et surtout parce que May avait repéré l'endroit et avait orienté la marche jusqu'à cet endroit) devant une librairie. 

A peine le temps de rentrer que je pleurais déjà intérieurement ma CB qui allait chauffer comme à son habitude quand je me retrouve dans un tel endroit. Tandis que je faisais le tour des quelques étagères, je remarquai un gros pavé, à l'illustration sobre mais belle. Prenant l'ouvrage dans mes mains, je ne savais pas à quoi m'attendre, le résumé étant bien plus porté sur l'auteur et l'ensemble de son œuvre, que sur chaque tome :

"Marquée au fer rouge de l'expérience personnelle de l'auteur durant la guerre du Vietnam, La Guerre éternelle nous plonge dans l'absurdité d'un conflit galactique mené à hauteur d'un soldat, William Mandella, perdu dans les labyrinthes de l'espace et du temps et qui deviendra un étranger à son propre monde… Avec La Liberté éternelle, suite directe de La Guerre éternelle, l'auteur explore le devenir d'une société humaine dont les genres ont été bouleversés et pose la question de la quête de liberté peut-être impossible du soldat. Dans La Paix éternelle, Joe Haldeman anticipe de manière remarquable une partie de ce qui fait le futur des conflits et pose les grandes questions engendrées par ces mutations : soldats-drones, nano-technologies, batailles pilotées à distance, place de l'éthique, rôle de la science, tout en continuant à dénoncer les ravages de la guerre. [....] Joe Halderman a créé une oeuvre totale, à la fois récits de guerre, brûlots antimilitaristes, expériences vertigineuses de la relativité spatio-temporelle, visions saisissantes de sociétés humaines confrontées à leurs transformations utopiques, démontrant une nouvelle fois l'extraordinaire pouvoir révélateur de la science-fiction"

Plusieurs livres plus tard, et un enterrement dédié à ma CB qui avait trop chauffée, enfin rentré, j'ai pu m'attaquer à cet ouvrage.

Je m'installe sur mon balcon, le livre en mains, un thé à ma droite, mon chaton sur les genoux, le soleil sur mes pieds. Parfait. Même en gardant en tête le début du résumé, concernant la guerre du Vietnam, je ne m'attendais pas à ce que j'allais découvrir.

Pour ajouter un peu de contexte, il faut s'intéresser à l'auteur et à la guerre du Vietnam. Il s’agit d’un conflit majeur qui a démarré en 1961 (pour les États-Unis, pays de l'auteur) pour se terminer en 1975 (avec le retrait des troupes américaines en 1973). Ce conflit a profondément marqué les esprits en raison de l'utilisation d'armes telles que les bombes au napalme, du nombre de morts (58 000 pour les États-Unis), et de l'état psychologique des soldats revenus du front. Aujourd'hui, nombre d'œuvres culturelles parlent de cette guerre ou des conséquences, pour ne citer que Rambo I, Apocalypse Now, Taxi Driver et L'échelle de Jacob.

Joe Halderman, né en 1943, est titulaire d’un diplôme en astronomie et physique. Il fut appelé dans l'armée américaine pour servir d'ingénieur durant la guerre du Vietnam. Il a été gravement blessé et sortira en 1973 La Guerre éternelle, inspirée très grandement de ce qu'il a vécu.

Au moment d'écrire ces lignes, je n'ai lu que le premier tome, La Guerre éternelle. Le roman nous met dans la peau de William Mandella, jeune diplômé en physique enrôlé dans l'armée américaine en 1997 pour combattre une race extraterrestre appelée les Taurans qui ont attaqué des colons humains tandis qu'ils allaient coloniser d'autres planètes. On le suit pendant toute sa carrière militaire, avec son retour sur Terre, 27 ans plus tard, son réengagement jusqu'en 3143.

Pour ceux qui ne souhaitent pas être spoilés, rendez-vous après l’indication “Fin du spoil”.

Oui oui, 1146 ans plus tard, et non il n'est pas immortel. Il est un simple humain, âgé d'à peine 30 ans à la fin du récit. Mais l'auteur a pris soin de se rapprocher par certains aspects de la Hard Science, en prenant en compte l'effet de la dilatation temporelle à mesure qu'on se rapproche de la vitesse lumière en se déplaçant, les G lors d'accélérations et des décélérations d'un vaisseau, la gravité, et d'autres éléments qui viennent renforcer la dureté de cette univers.

On sent les traumatismes et le regard très cynique de l'auteur sur la guerre dans laquelle est plongé le personnage principal. A aucun moment on ne ressent d'exaltation ou une forme de jubilation lors des scènes de combat. Tout au long du récit, un poids pèse et ne nous lâche pas, nous plongeant dans le même état que le personnage principal. Je ne parle que du personnage principal, William Mandella, car les autres personnages qui gravitent autour de lui servent plus de fonction que de réelles personnes. Il n'y a que Marygay, soldat enrôlée (soldat au masculin pour respecter l'univers qui ne féminise pas les grades et fonctions de l'armée) au même moment que William, qui est un peu plus développée que le reste des personnages, mais comparée au personnage principal, cela reste encore très secondaire. Le récit est raconté par William Mandella, limitant les autres personnages à leurs seules interactions avec le personnage principal.

Le récit de son premier affrontement contre les Taurans m'a laissé volontairement très mal à l’aise. On accompagne ensuite William lors de son retour sur Terre, 27 ans après son enrôlement, où il se retrouve dans un endroit qu'il ne reconnaît plus, et où le gouvernement fait tout pour forcer les vétérans à retourner au front. Cette partie met l'accent sur le décalage ressenti par un soldat quand il revient de la guerre. Il est confronté à une société américaine qui a profondément changé et où les vétérans peinent à retrouver une vie normale (Rambo I et Taxi Driver en font leur trame principale).

De retour dans l´armée, il enchaîne les missions jusqu'au terme de sa carrière, qui laisse un vide chez William et le lecteur.

*** Fin du spoil ***

Quand j'ai lu ce tome, je ne pensais pas qu'il serait aussi dur. Il n'est pas dur à lire, les tournures sont belles et le récit se construit très organiquement. Il n'est pas forcément dur dans les explications techniques. Il est dur dans ce qu'il raconte. A aucun moment il ne cherche à nous épargner. Certaines scènes sont particulièrement graphiques sans être gratuites. L’auteur cherche à nous dégoûter de la violence. Le retour des soldats sur Terre est aussi brutal. Ils ont défendu un monde qui s’est transformé pendant des centaines d’années sans eux. 

Dans ce premier tome, vous trouverez une annexe, qui est la "version originale" de la partie sur Terre. Je mets "version originale" entre guillemets car c'est la version publiée initialement, mais pas la version désirée par l'auteur car son éditeur de l'époque l’avait jugée "trop déprimante". 

En refermant ce premier tome, j'avais besoin de souffler. L’auteur réussit à mettre le lecteur dans un état particulier de réflexion, d’introspection. Il aborde de nombreux sujets, majoritairement la place du soldat, et se permet même d’aborder d'autres sujets, comme la position de la femme au sein de l'armée (même si cette réflexion n'est pas très développée) ou l’orientation sexuelle. Est-ce un excellent roman ? Sans conteste, mais il n'est pas aussi décomplexé qu'un Hérésie D'Horus ou aussi "pulp" qu'un Asimov, mais il est clairement plus accessible que la Trilogie de Mars. Quant à moi, je vais aller prendre le temps de respirer, avant de m'attaquer au deuxième tome. Et prier pour ma CB enterrée qui aura servi à découvrir un petit bijou de science-fiction.

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