Les chroniques de l’érable et du cerisier - Tome 1 : Le masque de No - Camille Monceaux
Résumé
Ichirô ne sait pas qui il est. Il a grandi dans les montagnes japonaises à l’époque où le pays est coupé du monde entier, élevé par un vieux maître du sabre et sa servante qui l’a suivi dans sa retraite. Entre jeux d’enfant, insouciance et apprentissage du sabre, il prend néanmoins conscience petit à petit que sa vie est différente de celle des autres enfants et que le maître qui l’a recueilli cache un secret en lien avec la guerre civile qui a déchiré le pays. Les saisons passent, Ichirô devient adolescent et un jour, sa vie bascule. Obligé de prendre la route, sans le sou ni la connaissance du fonctionnement de la société, il devra survivre, dans les montagnes, sur les routes, puis dans la capitale du pays, Edô, où il fera des rencontres qui lui révéleront toute la complexité des relations humaines, dans leur beauté et dans leurs difficultés.
Mon avis
J’ai abandonné ce roman au bout d’une trentaine de pages la première fois que je l’ai ouvert car le début est un peu long. Voilà pour la seule remarque négative que j’aurai.
Passons aux remarques positives maintenant. Ce roman est un véritable coup de cœur et, avec impatience, je me laisse un petit peu de temps avant d’acheter la suite. Le souci quand on prend une série à ses débuts, c’est le temps de latence entre les sorties de tomes et je préfère ne pas lire le tome deux immédiatement, afin de raccourcir le temps à attendre ensuite pour le trois. C’est mon choix, je comprends qu’il puisse paraître bizarre !
Je commence par l’écriture de Camille Monceaux. Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un roman de littérature jeunesse avec un tel niveau d’exigence. Cela m’a fait un bien fou ! Camille Monceaux n’hésite pas à utiliser une belle syntaxe et du vocabulaire peu courant, glissant en plus ci et là des mots en japonais. On s’en rend compte dès les premières lignes et si cela m’a surprise, cela m’a vite entraînée dans un vrai plaisir de lecture. J’ai l’impression que le niveau littéraire pour les jeunes lecteurs est souvent baissé de manière volontaire, comme si les faire progresser passait par se mettre à leur niveau et non pas à les pousser plus loin. Ce n’est absolument pas le cas pour ce roman (premier roman qui plus est) et je sais que je vais continuer à suivre Camille Monceaux, ne serait-ce que pour sa plume.
Ensuite, autre élément peu courant sur lequel je vais m’attarder : l’objet livre. On sait que les japonais ont une culture du papier particulièrement importante. Si vous avez déjà eu, comme moi, un livre japonais entre les mains, vous comprendrez pourquoi j’écris cela. Gallimard Jeunesse a donc fait un effort visible sur la fabrication de cet ouvrage. Sans parler de la couverture que je trouve superbe, les papiers choisis et le jaspage sur les tranches créent un objet que je suis fière d’avoir dans ma bibliothèque ! Le second tome continue sur cette lignée, pour mon plus grand plaisir.
Mais le cœur et l’important de ce roman, c’est, bien évidemment, son histoire.
Alors, comme vous pouvez vous en douter, une fois les petites lenteurs du début passées, on se prend vite à l’intrigue. Dans ce premier tome, il n’y a pas d’antagoniste clairement dessiné, pas de combats épiques… Néanmoins, on les sent se profiler dans l’avenir d’Ichirô, dans les contes de la vieille servante pendant son enfance, dans l’événement qui bouscule son destin, dans la mystérieuse feuille d’érable en or qu’il garde précieusement, seul indice sur sa famille, dans les bruits de rue de la capitale sur les luttes politiques… Mais en attendant qu’Ichirô prenne sa place dans ces luttes politiques, il tente de survivre comme il peut dans un monde dont il ne comprend pas les règles, surtout au début.
Nous sommes donc dans un roman qui explique le passé d’un personnage et comment il en arrive là où il en sera plus tard. D’ailleurs, le roman, entièrement à la première personne, commence par un passage où Ichirô, âgé, nous déclare qu’il va nous raconter son histoire et les événements qui ont façonné sa vie. On n’apprend bien sûr pas qui il est devenu. Mais nous sommes bien dans une logique d’explication du caractère, du passé d’un personnage qui ne semble pas avoir de facultés particulièrement hors-normes. Cela pourrait être rébarbatif, mais le tout s’enchaîne bien, distillant avec logique les informations dont le lecteur a besoin et créant suffisamment de rebondissements pour que l’on ait sans cesse envie de savoir la suite. Sans être encore dans le cœur du sujet que l’on devine arriver au deuxième tome, la vie d’adolescent d’Ichirô (car, encore une fois, c’est un peu longuet sur son enfance), ses combines pour survivre et les rencontres qu’il fait sont passionnantes.
Et je pense que le contexte y joue pour beaucoup. Camille Monceaux est une passionnée du Japon et de l’époque des samouraïs. Cette passion, elle a parfaitement su la transmettre dans son ouvrage foisonnant de détails historiques. La trame elle-même se basant sur des faits réels, nous en apprenons sur les fêtes, le mode de vie, les relations maritales, le théâtre (beaucoup sur le théâtre), les courtisanes, les religions… J’aime personnellement l’Histoire, avec un grand h, la vie des monsieur-madame tout le monde à leur époque. Quand je visite un château, par exemple, je regrette toujours de ne pas voir les couloirs empruntés par les domestiques. Et si le château en question est devenu un musée, sans les meubles d’époque, je trouve que cela perd son intérêt. Je voudrais des reconstitutions partout ! Alors, avec ce livre, je me suis régalée. Par contre, quelqu’un qui ne voit pas d’intérêt à ces détails trouvera probablement que ce livre contient plein de petites choses inutiles. Pour ma part, je pense que cela rajoute à la crédibilité de l’histoire et au fait que l’on s’accroche au roman.
Conclusion
Il s’agit à mes yeux d’un roman jeunesse qui peut parfaitement se lire par des adultes. L’intrigue est suffisamment complexe et les amateurs de littérature ne seront pas déçus par la plume. On attend la suite et le cœur de l’intrigue mais ce tome un ne déçoit pas du tout ! C’est un gros coup de cœur pour moi. J’espère qu’il en sera de même pour vous aussi !
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