Les Faucons de Raverra (trilogie) - Melissa Caruso

14/11/2020
Fantasy

Résumé

Amalia Cornaro est une jeune aristocrate de 18 ans promise au siège du conseil des Neuf à la succession de sa mère, la célèbre et redoutée Contessa. Mais la jeune fille ne s’intéresse pas à la politique. Ce qui la passionne, ce sont les livres et la science, plus particulièrement celle du façonnage d’objets leur conférant des propriétés magiques. Elle sait cependant que ses études terminées, tous ses efforts devront être focalisés sur la postérité de l’Empire Sérénissime mené par le doge qu’elle se doit de servir fidèlement.

Alors qu’elle s’est déguisée et a quitté sa luxueuse maison pour se faufiler dans le quartier malfamé de la ville de Raverra à la recherche d’un livre rare, Amalia tombe sur une bagarre opposant une jeune fille de son âge à plusieurs malotrus. Cette dernière, en mauvaise posture, perd le contrôle et libère son pouvoir de mage. La jeune Cornaro découvre alors qu’il s’agit d’une sorcière de feu, un don extrêmement rare et destructeur. Tandis que les flammes gagnent du terrain et menacent de détruire le quartier voire la ville, Amalia n’a d’autre choix que de passer un jet au poignet de la sorcière. Les jets sont des objets artificés par des façonniers qui permettent d’emprisonner ou libérer le pouvoir d’un mage d’un mot (Revincio pour éteindre et Exsolvo pour libérer). L’Empire s’en sert pour contrôler les mages appelés Faucons qui sont dépendants de leur Fauconnier pour user de leur pouvoir. La plupart des Faucons sont repérés très jeunes car ils portent la marque des mages (un cercle de couleur entourant la pupille). Ils sont alors enrôlés de force dans l’armée de l’Empire et arrachés à leur famille pour vivre aux Mues où tous les Faucons sont formés avec leur Fauconnier. Bien que le doge pourvoit à tous leurs besoins, il s’agit bien d’une cage dorée limitant strictement leurs libertés.

Zaira, la sorcière de feu qui avait échappé à ce destin en survivant tant bien que mal dans la rue, se retrouve tel un chien en laisse soumis au bon vouloir d’une jeune fille née avec une cuillère en argent dans la bouche... Pire, elle devient malgré elle un atout stratégique militaire inestimable pour l’Empire qui la garde comme pièce maîtresse sur son échiquier en cas de guerre. Elle n’aura pas d’autre choix que de brûler des milliers de soldats ennemis si l’occasion se présentait. Pour toutes ces raisons, l’entente entre les deux jeunes filles que tout oppose est très mauvaise, du moins au début. Car elles vont devoir composer avec ce lien au quotidien et dépasser leurs préjugés, surtout quand une série d’enlèvements d’enfants les pousse à s’allier.

Le monde d’Eruvia

L'Empire Sérénissime réunit plusieurs royaumes dont la capitale est Raverra. Au nord se trouve le Vaskandar, l’ennemi juré de l’Empire, qui est composé de 17 domaines chacun soumis au règne d’un Haut-Ensorceleur, un ou une mage vivomancien.ne (pouvoir sur les êtres vivants) extrêmement puissant.e et immortel.le. Après une guerre de trois ans et des milliers de morts, ce sont les technologies des façonniers (quasi inexistants au Vaskandar) qui leur ont permis de remporter la victoire face aux Haut-Ensorceleurs. La trêve fragile entre les deux puissances est menacée par Ruven, le fils ambitieux d’un Haut-Ensorceleur mais je n’en dirai pas plus au risque de spoiler sévèrement.

Dans ce monde, il y a des mages dépourvus de marques et au pouvoir faible, puis il y a les très puissants : les façonniers qui créent des objets magiques, les alchimistes qui créent principalement des poisons et des remèdes mais aussi des potions en tous genres, les sorciers, les plus dangereux, qui influent sur les éléments (deux sont mentionnés dans les romans : le sorcier d’orage et le sorcier de feu). Le conseil des Neuf, dépourvu de magie, a le pouvoir de passer des lois et d’élire le doge, qui a toute autorité. 

Les personnages

La Contessa et mère d’Amalia est le bras droit du doge mais aussi la cheffe des services secrets et du renseignement. Amalia est donc une cible de choix pour qui voudrait atteindre sa mère et cela la met régulièrement dans des situations périlleuses. Très vite, la jeune fille se retrouve malgré elle mise au secret et se voit confier des missions par le doge.

Elle découvre la scène politique, fait des faux pas mais, forte de son éducation et de son intelligence, gravit les échelons. C’est un personnage intéressant qu’on aime de plus en plus au fur et à mesure des tomes. Je ne l’aimais pas particulièrement dans le tome 1 car elle est cette enfant pourrie gâtée à qui tout semble sourire, la beauté, l’intelligence même si sa force de caractère laisse un peu à désirer au début. L’évolution est en ce sens très bien faite car le personnage au début et à la fin n’a plus grand chose de commun. Le caractère s’affirme, de lourds sacrifices ont été faits, le deuil, le regret, l’amour sont des choses qu’elle va connaître pour la première fois et l’on vit tout cela avec elle. 

Zaira est aussi une héroïne pleine de mordant qui a eu une vie très dure et qui souhaite la liberté plus que tout au monde. C’est un bout-en-train, elle ne connaît pas les bonnes manières et redouble d’inventivité pour insulter ses ennemis. Elle m’a bien fait rire dans les deux derniers tomes.

La dynamique entre les deux héroïnes Amalia et Zaira dont les caractères sont comme le jour et la nuit m’a un peu agacée au début (riche/pauvre, prude/libérée, blonde/brune, caractère doux/explosif, etc.). Puis en avançant dans l'histoire on découvre tous leurs points communs. C’est la naissance d’une amitié certes houleuse mais touchante. Au fond, elles sont toutes les deux prisonnières. L’une par son jet et son emprisonnement aux Mues, l’autre par sa vie toute tracée, de son métier jusqu’à son mariage, qui sera non pas motivé par l'amour mais par des bénéfices politiques. Elles sont aussi toutes deux très seules, l’une terrifie les autres par son pouvoir et refuse de s’attacher par peur de blesser grièvement voire mortellement un proche, l’autre a trop d’influence politique et de richesse pour croire à l'innocence et aux bonnes intentions de ceux qui l’approchent. Le parallèle est constant entre les deux et c’est ce qui finit par les rapprocher.

Mon avis

Le Tome 1, comme c’est souvent le cas dans les trilogies ou longues séries de Fantasy, sert de mise en place des personnages, du monde, du système de magie et du régime politique. Il est indispensable mais aussi le moins bon des trois pour cette simple raison. Il m’a néanmoins vraiment donné envie de lire la suite ! Les deux autres tomes sont excellents avec une préférence pour le tome 2 que je n’arrivais pas à lâcher. C’est le mieux construit, avec une développement des personnages appréciable, des enjeux importants et des rebondissements pêle-mêle. Le tome 3 propose une conclusion satisfaisante sans être un happy ending mais présente malheureusement des incohérences sur lesquelles je reviendrai à la fin dans une partie spoiler.

Comme il s’agit de littérature young adult, j’ai trouvé la romance un peu niaise et un peu forcée. Le triangle amoureux me laisse indifférente et à mon sens l'intrigue est suffisamment palpitante pour se passer d'une romance à la Twilight. C’est toujours le même schéma exaspérant de la fille innocente et jeune et de l'homme bien plus âgé et expérimenté en plus d'être un mystérieux bad boy... Elle a 20 ans d'écart avec l’un de ses prétendants ce que je trouve malaisant au possible. Il a l’apparence d’un jeune homme et même l’attitude qui va avec pour atténuer cet écart, j’imagine, mais cela m’a gênée. Étonnamment, si cette romance-là est complètement clichée, il y en a deux autres beaucoup plus rafraîchissantes qui sont LGTQ+ friendly, car, oui, dans Eruvia on ne condamne pas ces identités et orientations sexuelles. Le roman comporte même un personnage non binaire bien que complètement secondaire.

J’ai trouvé le monde et le système de magie bien exploités et riches. Les règles sont claires et l’on comprend assez rapidement les tenants et les aboutissants. Les intrigues de cour sont prenantes et les enquêtes d’Amalia bien ficelées. Les enjeux sont clairement énoncés pour les protagonistes, comme les antagonistes qui sont très humains, leurs motivations cohérentes et crédibles. En outre, le choc des cultures et des classes sociales est intelligemment soulevé. Les personnages souffrent et tout le monde ne s’en sort pas indemne. C’est parfois assez sombre mais on rit aussi. J’ai beaucoup apprécié ma lecture et je la recommande fortement aux amateurs de ce genre. Peut-être même qu’il y aura une suite car je trouve qu’il y a bien assez de matière pour continuer avec plusieurs tomes.


Les incohérences

SPOIL QUI PEUUUUT ! Uniquement pour ceux qui ont lu en entier la trilogie sinon vous n’allez pas comprendre grand-chose.

J’ai trouvé que les procédés d’écriture utilisés par l’autrice manquaient parfois de subtilité.

Elle a créé des personnages a priori invulnérables et très puissants mais cela ne fonctionnerait pas dans une intrigue, il faut bien la kryptonite pour rendre les aventures de Superman intéressantes. Ainsi Zaira peut maintenir indéfiniment son feu tant qu’il se nourrit de la vie mais dès qu’elle coupe son pouvoir elle s'effondre de fatigue. Elle évite aussi régulièrement d’utiliser son don parce qu’elle ne le contrôle pas et risquerait de blesser ou tuer des gens innocents. Le jet à son poignet lui semble dans ces cas-là salutaire. Ainsi à plusieurs reprises, Zaira reste sur la touche pour l'une des raisons que j'ai citées plus haut afin que certaines situations ne soient pas résolues trop vite ou trop facilement.

J’ai trouvé cependant qu’il y avait une grosse incohérence dans le troisième et dernier tome. Il s’agit de la survie d’Amalia en tant que personnage principal, rien que ça ! Ruven, l’antagoniste principal, pourtant très intelligent, fait des choix vraiment discutables. Il ne tue pas Amalia mais lui fait du chantage pour qu’elle s’allie à lui de son plein gré. Amalia connaît tous les secrets de l’Empire Sérénissime et constitue pour lui un atout mais surtout, elle a le sang de son ancêtre la Dame des aigles, Haute-Ensorceleuse du Vaskandar. Son sang est précieux pour Ruven car il pourrait revendiquer son pouvoir dans tout le Vaskandar et détrôner les 16 autres Hauts-Ensorceleurs. 

Mais voilà le problème : Amalia n'est pas la seule descendante de la Dame des aigles. Bree, la cousine d'Amalia, l'est aussi. L’obsession de Ruven sur la jeune Cornaro n’est pas justifiée, elle sert juste à maintenir le personnage principal en vie. Il aurait pu la tuer mille fois et il a toutes les raisons de le faire. Elle est intelligente, au moins autant que lui, et l’a prouvé en contrecarrant plusieurs de ses plans et, plus important, elle est la Fauconnière de Zaira, qui a le pouvoir d’éliminer toute son armée avec son feu... Il ne lui fait jamais boire non plus la potion de contrôle qu’il a inventée sous des prétextes qui ne tiennent pas la route. Grâce à elle, il aurait accès aux plus hautes instances de l’Empire mais aussi à la magie de Zaira, bref avec les deux filles dans son camp, il ne resterait plus personne pour s'opposer à lui. L’erreur de l’autrice a été de créer dans son histoire tant d’opportunités pour l'antagoniste de faire exactement cela sans pourtant jamais passer à l’action. Il y a plusieurs petites choses que j’ai pardonnées parce que l’intrigue globale se tenait, mais vers la fin je ne comprenais vraiment pas pourquoi Amalia était encore en vie.

Et vous, l’aviez-vous remarqué ?

May

J'ai découvert la littérature de l'imaginaire enfant en lisant des mangas (Full Metal Alchemist, Claymore, Fruit Basket, Naruto, etc.) qui me permettaient de m’évader. Puis une camarade de classe m'a un jour prêté la trilogie du Dernier souffle de Fiona MacIntoch. Ça a été la révélation ! Depuis je suis avide de lectures de l'imaginaire et plus particulièrement de fantasy qui constitue l'essentiel de ma PAL.

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