Le Chant des cavalières - Jeanne Mariem Corrèze

27/8/2020
Fantasy
Illustration de couverture : Melchior Ascaride

Résumé

Inspirée de la légende arthurienne, l’histoire suit le destin de Sophie Pendragon, l’élue, prise dans l’étau d’un monde luttant entre tradition, tyrannie et démocratie. Sophie, qui appartient à l’ordre des cavalières, est nommée écuyère de cendres à la mort de la Matriarche Acquilon de Nordeau alors qu’elle n’a pas encore atteint la puberté. Malheureusement, Eliane, sa maîtresse, est une femme froide pleine d’ambition qui n’a que faire de l’éducation de sa protégée. Les années passent, Sophie rencontre son dragon et suit sa formation, mais elle découvre aussi petit à petit les forces qui se déchirent pour elle, l’élue, et ce qu’elle représente.

Sur le bandeau est annoncé : Une fantasy ensorcelante, féminine et féministe au style puissant.

Ce livre cochait toutes les cases pour moi. La couverture est magnifique, le livre a reçu un prix (pépite de l’imaginaire), il est à dominante féminine, féministe et il y a des dragons. Il avait en principe tout pour me plaire. Grande a été la déception...

L’univers

Le royaume nommé Sarda est écartelé entre plusieurs forces politiques. Le système de gouvernance est un peu confus et jamais réellement développé. Mais voici ce que j’en ai retenu : il y a des centaines d’années, chaque Matriarche gouvernait son territoire, puis la reine Maude, munie de Baldré et Lunde (une épée et son fourreau magiques), les a fédérées. Puis, les Sabès, ennemis des Matriarches, ont attaqué le royaume à l’aide de machines crachant du feu, un avantage jusqu’ici réservé aux cavalières et leurs dragons. Les Sabès ont donc assis leur pouvoir et imposent désormais leurs conditions au reste du royaume. Certains le vivent bien, d’autres beaucoup moins. Le Condottiere gère le royaume. Le Prince est mondain et, pour résumer, fait aussi office de bureau des plaintes. Les Matriarches règnent sur leur territoire et leurs cavalières. Les Maréchaux... eh bien, je n’ai aucune idée de leur rôle. Ils ne sont évoqués qu’à la toute fin et à part s’exprimer lors d’un vote, ils ne font rien.

On a donc affaire à un système d’apparence matriarcale, mais ce sont des hommes qui ont les postes les plus haut placés...cherchez l’erreur. Le Condottiere est un homme, le prince est...un prince et les Sabès sont menés par un homme. J’imagine que le but pour l’autrice était de montrer l'ingérence des hommes au pouvoir et de voir une femme prendre les commandes… Je ne suis absolument pas contre cette idée, mais je ne fantasme pas pour autant l’idée d’un matriarcat. Ce principe d’un sexe qui prend le dessus sur l’autre ce n’est pas du féminisme pour moi. Le féminisme, c’est l’égalité des sexes. Autant dire que tous ces petits jeux politiques à double sens et sans subtilité m’ont laissé coite.

Heureusement, ces luttes ne se limitent pas à : faut-il un homme ou une femme sur le trône ? Il s’agit surtout d’une lutte idéologique. Éliane veut déclarer la guerre aux Sabès et s’affranchir de leur joug. D’autres veulent voir s’élever Sophie comme la nouvelle Reine et d’autres encore souhaitent voir une démocratie remplacer un système poussiéreux et tyrannique.

Les cavalières sont un ordre ancien et respecté qui vénère La Dame (équivalent féminin de Dieu, j’imagine, et certainement un clin d’oeil à la Dame du lac). Les petites filles ou écuyères sont formées très jeunes, puis à la puberté elles rencontrent leur dragon (le processus est flou, c’est dommage) et une fois la formation jugée aboutie par leur maîtresse, elles deviennent des cavalières. Trois spécialisations s’ouvrent à elles : bâtisseuse, intrigante ou annonciatrice. De jolis noms mais à aucun moment les caractéristiques de ces classes ne sont expliquées. Moi qui suis fan de RPG, j’étais vraiment déçue. 

Trois points m’ont particulièrement gênée sur l’éducation de l'héroïne :

J’apprécie toujours quand il y a des dragons même si certains trouvent cela cliché en fantasy. Les dragons de cette histoire ont une apparence originale : des plumes et un bec. Ils ne parlent pas et l’attachement entre une cavalière et son dragon ressemble à celui d’un animal avec son maître. Cette relation n’est jamais développée dans le roman. L’animal magique est là quand il faut, c’est tout. Les cavalières les montent (scellés) quand elles ont besoin de se rendre dans une autre ville et le reste du temps elles les laissent dans des stalles à manger du foin. Dans le principe de l’autrice, ce sont donc des chevaux volants. Si vous voulez les voir en action sur un chant de bataille vous allez attendre longtemps... le dégel pour être précise.

Ensuite, on ignore comment les écuyères sont sélectionnées. Sont-elles toutes orphelines ? C’est le cas de Sophie mais le passé des autres cavalières n’est jamais mentionné. On sait que la jeune fille suit une formation mais on ignore en quoi elle consiste… On la pense compétente mais comment savoir ? On a aucune idée de comment elle s’en sort au combat ou en vol… Ce qu’on sait en revanche c’est qu’elle n’a aucune force de caractère. Jamais elle ne se rebelle. En fait, c’est une enfant jalouse qui se sent seule. Fait surprenant, elle est censée être l’élue, mais sa maîtresse l’ignore royalement, personne ne s’occupe d’elle. Elle disparaît des heures et personne ne s’alarme… vraiment bizarre. Puis ellipse de quatre ans et c’est déjà une jeune femme. Ce genre de facilité narrative m’irrite. Malheureusement, le personnage n’a absolument pas évolué. Elle n’a toujours pas un caractère affirmé… elle est soumise et obéissante. A ce stade de ma lecture, je me disais qu’un tel personnage ne pourrait pas devenir monarque, impossible.

Enfin, le troisième point qui m’a déplu, c’est le moyen par lequel les écuyères “obtiennent” leur dragon. En effet, ce n’est que lorsque les écuyères ont eu leurs premières règles qu’elles peuvent se soumettre à la cérémonie du feu. Parler des règles, top! En revanche, il faut vraiment arrêter avec la sacralisation du cycle menstruel.... Il n’y a rien de plus banal et normal au monde. En parler, c’est bien. En faire un pataquès comme s’il s’agissait d’une étape centrale de la vie d’une femme, ça m’embête. Je suis plutôt partisane de dédramatiser cet événement de la vie. En outre, cela sous-entend que toutes les femmes ont leurs règles, ce qui est faux. Dans ce système imaginé : pas de règles, pas de dragon… Je salue l’intention mais pas l'exécution. J’ai tout de même souri quand Sophie n’a qu’une hâte, avoir ses règles pour rencontrer son dragon et être comme ses camarades, et sa déception quand elle les a enfin et se rend compte de la plaie que c’est. Cela reflète assez bien la réalité, mais j’aurais préféré que l’autrice s’abstienne d’en faire une condition requise pour avoir un dragon.

Je ne me suis attachée à aucun personnage, et pour cause on ne sait pas grand-chose d’eux. Ironiquement, on suit surtout Éliane de Nordeau et son ascension au pouvoir. Elle est froide, ambitieuse et on ne sait rien de son passé. Les relations entre personnages existent déjà et ne sont pas construites. Pènderyn et Sophie sont meilleures amies mais on les voit peu interagir… Pènderyn est en couple avec Berhane mais on ne la voit pas tomber amoureuse. La caractérisation des personnages est soit absente soit extrêmement limitée. A part les principaux, ils sont complètement oubliables. Cela arrive qu’un auteur sacrifie les personnages à un univers foisonnant ou à des intrigues complexes, un système de magie varié, etc. Mais l’autrice n’a pas cette excuse.

Le début du roman est planplan, il n’y a pas d’élément déclencheur impactant, un critère que je trouve pourtant essentiel à une narration. Le rythme est lent, les pages s'enchaînent sans qu’on connaisse les enjeux, les buts recherchés. Le récit manque cruellement d'action. Il n’y a pas de combat, pas de bataille et toutes les opportunités sont gâchées par des ellipses. Même quand tout culmine à un rassemblement dont je tairai le nom, le discours d’un personnage est décrit et non pas écrit... Flemme ?

C’est lorsqu’un enchanteur débarque, Myrddin (comprenez Merlin), et voit en Sophie la réincarnation de la reine Maude, que le rythme du récit s’emballe. Il y a un peu d’action, l’héroïne s’affirme, on commence à voir clair dans les intentions de chacun, les alliances politiques mais c’est déjà bientôt la fin du roman. POURQUOI ? Pourquoi attendre si longtemps pour entrer dans le vif du sujet ? S’il y avait eu 200 pages supplémentaires du même acabit, j’aurais pardonné mais c’est vraiment trop maigre sur la totalité du livre. Je me suis ennuyée et me suis forcée à finir car je voulais comprendre où voulait en venir l’autrice sans pour autant me sentir investie le moins du monde. 

Bref, un concept cool, une exécution laborieuse et incomplète. Pour que cette critique ne soit pas entièrement négative, ce serait injuste, voici deux choses que j’ai appréciées. La plume de l’autrice qui est très agréable et bien marquée. Et sa virtuosité pour transmettre le poids de la destinée, la tristesse d'être l'élue surtout quand tout le monde n’a que son propre intérêt en tête, ne s’intéresse pas à vous mais à ce que vous vous pouvez leur apporter. Sophie est une jeune femme dépassée par les événements qui lutte pour être à la hauteur des attentes des autres jusqu’à ce qu’elle craque. J’aurais juste souhaité qu’elle craque plus tôt.

May

J'ai découvert la littérature de l'imaginaire enfant en lisant des mangas (Full Metal Alchemist, Claymore, Fruit Basket, Naruto, etc.) qui me permettaient de m’évader. Puis une camarade de classe m'a un jour prêté la trilogie du Dernier souffle de Fiona MacIntoch. Ça a été la révélation ! Depuis je suis avide de lectures de l'imaginaire et plus particulièrement de fantasy qui constitue l'essentiel de ma PAL.

Dans le même genre

commentaires