L’Anti-magicien - tome 1 - Sébastien de Castell

22/2/2022
Fantasy

Nous avons toutes les deux acheté, sans nous concerter, L’Anti-Magicien de Sébastien de Castell. Il ne nous a pas fallu longtemps pour décider de faire une critique commune, surtout que nous avons le même avis sur ce livre !

Pour précision, L’Anti-magicien est une série qui compte six tomes aujourd’hui. Nous n’avons toutes les deux lu que le tome un.

Résumé

Kelen, 15 ans, est l’héritier d’une des plus grandes familles du peuple Jan’Tep. Malheureusement, il n’a encore réussi à faire étinceler aucune des bandes de pouvoir tatouées sur son bras. Il a jusqu’à son seizième anniversaire pour prouver qu’il peut devenir magicien. Dans le cas contraire, il deviendra un Sha’Tep, un domestique au service des familles Jan’Tep.

Refusant de se résigner à ce sort, il ruse pour passer les épreuves malgré son incapacité à utiliser la magie. Néanmoins, l’arrivée d’une femme étrangère dans le village, Furia, annonce des bouleversements dans la vie bien rangée et rigide de la communauté de Kelen.

Armé de sa seule intelligence, de son amour pour son peuple, de l’aide de Furia et d’un chacureuil aussi rageur qu’imprévisible, Kelen va lutter pour son statut au sein de la petite communauté Jan’Tep et découvrir bien malgré lui ce que les siens ont caché puis oublié.

Le monde

On ne sait pas encore grand-chose du monde dans lequel évolue Kelen. Il est pour l’instant limité à la communauté Jan’Tep, mais on sait qu’il existe quatre grandes cultures et plusieurs petites communautés. Les Jan’Tep se targuent d’être le peuple capable de maîtriser la magie. L’Oasis, un lieu chargé de pouvoir, leur permet d’exercer les magies débloquées parmi celles tatouées sur leur bras. Il y a en tout six bandes tatouées sur le bras de chaque enfant grâce à un procédé spécial. Leur capacité à en faire étinceler une ou plusieurs avant l’âge de seize ans détermine leur statut dans la société : un serviteur Sha’Tep, qui a la chance de servir dans une grande maison ou la malchance d’être envoyé au fond des mines chercher les minerais précieux permettant le tatouage des bandes, ou un mage Jan’Tep qui évolue dans la politique, le commerce… Une société divisée, donc, basée uniquement sur le mérite de la magie… et le sexe de la personne puisqu’une femme ne peut pas porter le nom de mage et est juste bonne à devenir la femme d’un puissant ou à devenir une guérisseuse. On se doute que les autres cultures seront développées dans les tomes suivants, l’auteur ayant mis en place les bases d’un monde intéressant et fourmillant de bonnes idées, du système de magie original aux animaux comme les chacureuils.

Notre avis

Tine : Alors, très franchement, c’était une lecture agréable avec un grand MAIS. Commençons par le positif. L’auteur a une bonne plume, son monde est intéressant, il y a un vrai potentiel pour son développement. L’humour vise souvent juste, aussi. L’histoire ne manque pas de rebondissements. Il y a sans cesse de l’action. Les temps de pause sont rares et on se laisse attraper par le rythme trépidant des événements.  Sauf que…

May : Les personnages (Furia mise à part), sont des archétypes. Kelen est le héros lambda sans profondeur. Il passe son temps dans une sorte de rêve éveillé où son but ultime de devenir Jan’Tep semble possible, alors qu’il est évident dès le début du livre que cela ne se réalisera pas. On a juste envie de le réveiller d’une claque bien ajustée. Il aime son peuple, mais son peuple n’a rien d’aimable et ne fait rien en retour pour lui, quelle que soit l’ampleur de son sacrifice. A commencer par ses parents et surtout son horripilante et si puissante sœur qui lui pourrit la vie par son sens du devoir. 

Tine : Les méchants sont méchants parce que cela sert le récit, mais il n’y a pas de portée idéologique, pas d’enjeu aux choix qu’ils font. C’est toujours la même rengaine : je veux le pouvoir ! Ils n’ont pas une once de bonté en eux, c’est caricatural à souhait. On n’échappe pas à la scène où la tête pensante explique tout son plan diabolique et fait les propositions les plus absurdes alors qu’il aurait eu le temps de tuer le protagoniste une bonne vingtaine de fois. Ça ajoute du drame, mais ça traîne en longueur des scènes d’action qui deviennent alors ennuyeuses. Les faux amis n’ont aucune raison à leur changement d’attitude sauf humilier encore et toujours plus le héros gratuitement. On a voulu mettre en avant son intelligence (car niveau physique et santé, ce n’est pas cela), mais il en ressort surtout des dialogues sans fin où on tourne en rond pour apprendre peu de choses. 

May : Et bien sûr, on a le droit au petit côté féministe maladroit avec le crush de Kelen qui souhaite devenir mage mais se heurte au fait que ce soit impossible. Sauf que cette jeune demoiselle n’est guère convaincante dans sa volonté de changer les choses, même mise en parallèle avec la mère de Kelen, qui est la femme-trophée par excellence. La figure du père est rigide, autoritaire, charismatique. C’est un homme de peu de mots, fort et intelligent qui a tout pouvoir sur les membres de sa famille. Bref le cliché du patriarche. Il s’agit d’un monde imaginaire, l’auteur pouvait faire tout ce qu’il voulait et inventer une société de toute pièce. Au lieu de cela, c’est un copier-coller de notre société patriarcale. Même s’il semble parfois s’en servir pour dénoncer le sexisme et appuyer la malfaisance des Jan’Tep, eh bien j’aimerais lire autre chose pour une fois; sortir de ce carcan et proposer un type de société original. C'est trop demander, il faut croire.

Tine : Furia est à part car elle est étrangère à ce monde. Elle vient d’une autre culture et se moque ouvertement du mode de vie des Jan’Tep et de ce qui semble si important pour eux, et pour le héros. C’est une aventurière qui réussit à sortir petit à petit Kelen de son rêve, même s’il faudra pour cela quelques bons coups de pieds aux fesses. Le mystère qui l’entoure, son caractère et sa volonté en font le personnage le plus intéressant du livre. Elle est aussi le personnage le plus gris, ses intentions sont inconnues. Elle a une vision du monde plus adulte, moins tranchée et détonne dans la communauté endoctrinée. On est presque dans les jeunesses Hitlériennes. C’est le raisonnement typique du pays qui se voit comme une victime et qui agit pour se protéger alors qu’il ne s’agit que de domination et de destruction de ce qui est différent.

May : Le personnage de l’oncle de Kelen, serviteur Sha’tep, avait beaucoup de potentiel et ce fut donc une grosse déception. Il est sous exploité et lorsqu’il entre enfin dans la lumière, il brille surtout par son extrémisme et son raisonnement simpliste. Heureusement, il y a dans la deuxième moitié du roman, l’arrivée de Rakis, le chacureuil comic-relief qui rajoute du peps à pas mal de scènes d’action..

En conclusion

Tine : Une bonne lecture, mais cela s’arrête là. Malgré le potentiel du monde et la plume de l’auteur, malgré, aussi, la fin plus convaincante que les cent dernières pages du livre, les personnages ne sont pas assez fournis et intéressants pour que j’achète la suite.

May : La plume et l’intrigue pleine de rebondissements poussent à tourner les pages aisément. Mais plus j’avançais, plus la simplicité des raisonnements et la construction des personnages me frustraient. Il s’agit d’un texte jeunesse donc il est possible que ce soit intentionnel. Et la fin est très satisfaisante. C’est ce que je voulais depuis le début ! Mais cela intervient tard et ne suffit pas sur l’ensemble du roman. Le potentiel est là pour la suite mais je sais que même si le personnage principal finit par nous émouvoir (à la toute fin), le monde que l’auteur a commencé à esquisser ne m’emballe pas suffisamment.

Tine

Quand j’étais petite, je dévorais tous les livres qui me tombaient sous la main. J’ai découvert au collège la littérature de l’imaginaire et suis devenue accro. Mais en grandissant, je suis restée bloquée à la littérature jeunesse, que je consomme toujours avec un plaisir sans égal ! Je fais tout de même parfois quelques incursions dans le monde des adultes, mais j’aime proposer à mon entourage des ouvrages de littérature jeunesse qui, pour moi, dépassent les frontières des âges. Quand on aime, on ne compte pas (le nombre d’années) ! Pour ma part, j’ai lu la trilogie du Dernier souffle au lycée ! Un vrai régal !

Dans le même genre

commentaires